Aussi souvent que faire ce peut, je vais vous sortir un petit film de derrière les fagots et le dépoussiérer pour, je l'espère, vous donner envie de le voir et/ou de le revoir...
Savez-vous ce qu'est un "peeping tom" en Angleterre ? Un voyeur. L'expression descendrait de la légende de Lady Godiva, qui, au Xème siècle, aurait traversé les rues de Coventry à cheval, nue, pour que son mari, un puissant seigneur, arrête de guerroyer et baisse les impôts. Les habitants avaient reçu la consigne de rester chez eux (ou de baisser le regard, selon les versions), seul un palefrenier dénommé Tom aurait contemplé la beauté glaçante de la Lady et aurait été frappé de cécité en châtiment...
Lady Godiva par John Collier
Peeping Tom, c'est surtout ce film de 1960 marquant également le début du déclin pour son réalisateur, Michael Powell. L'intelligentsia du cinéma britannique trouva le film trop ouvertement sexualisé, trop choquant, trop dangereux pour les bonnes moeurs, et au bas mot, Powell se retrouva blacklisté, d'autant plus étonnant que c'est probablement une de ses oeuvres les plus fortes. (Si vous n'avez pas vu Le Voleur de Bagdad, un des plus beaux films pour enfants, les Chaussons Rouges, le Narcisse Noir et bien d'autres, ils existent tous en dvd).
Le voyeur est l'expression la plus décadente de la mise en abîme du cinéma, la plus nombrilisme, la plus passionnante aussi sans doute : un pauvre photographe travaillant dans un quartier populaire de Londres, abusé dans son enfance par un père scientifique qui le confrontait à la peur, au noir et à la solitude pour étudier ses effets, tue des jeunes femmes la nuit à l'aide d'un dispositif des plus curieux : une caméra 16mm filme la terreur puis l'agonie de ses victimes qu'il assassine à l'aide d'une pique dissimulée dans le pied de la caméra...
Karlheinz Böhm et Moira Shearer
Powell nous tance sur les effets pervers de la violence à l'écran, joue et interroge sur la crudité, la violence et le sexe en y déposant un voile de virtuosité technique époustouflant, qui a eu son empreinte sur des réalisateurs jouant avec le voyeurisme comme Brian de Palma par exemple(Body Double, Snake Eyes, Pulsion).
Le film a été emblématique d'une période en plein virage sur les moeurs, qui couta à Michael Powell sa place dans l'industrie mais qui est aujourd'hui révéré, étudié et de nouveau regardé avec attention et plaisir, autant pour sa technique que pour ses thèmes... même s'il reste encore classé et étiquetté au genre horreur !
Je vous laisse avec la bande-annonce, assez démonstratrice (d'autres diront putassière), et rappelez-vous, le film date de 1960 !
merci à Sébastien Miguel