Bientôt sur nos écrans (les grands) sort The Road, d'après le best-seller de Cormac Mc Carthy, qui décrit un monde post-apocalyptique dans lequel un père et un fils tente de survivre en rejoignant une sorte d'Eden fantasmé, le bord de la mer, en traversant une Amérique dévastée par un cataclysme inconnu.
L'Empereur du Nord, de Robert Aldrich, que vous avez peut-être pu découvrir (ce fut mon cas) ou revoir en septembre dernier à la Cinémathèque lors du cycle Aldrich, s'en rapproche assez d'un point de vue narratif.
Dans les années de la Grande Dépression, sur les voies ferrées de l'Oregon, un combat singulier oppose n°1, clochard dur-à-cuire, (toujours aussi fascinant Lee Marvin) et le chef de locomotive Shack, joué par un extraordinaire de diablerie Ernest Borgnine, qui refuse à ce que les clochards voyagent sans billet, prêt à les battre à mort et à les passer par dessus bord s'il le faut. Les enjeux augmentant, n°1 se met à voyager sur le train de Shack par pur esprit de défi, les paris et la rumeur enflant parmi les cheminots et les clochards, au milieu duquel vient s'ajouter Cigaret (joué par le jeune Keith Carradine) -pseudo utilisé par Jack Kerouac lorsqu'il s'aventurait sur les routes américaines-, sorte de clochard que n°1 prendra sous son aile.
Le film baigne constamment dans une sorte de désespoir formel, les héros comme les décors sont crasseux, pitoyables, veules, détruits par la Dépression.Tout n'est que petite débrouille, bagarre, amoralité, comme si tous les gardes-fous moraux de notre société avaient disparu, ce qui fut énormément reproché à Aldrich lors de la sortie du film, la critique et le public attendant une sorte d'entraide face à l'adversité, une forme de charité qui n'apparaît pas dans le film. Toute notion de famille et d'amitié a quasiment disparu dans l'Empereur du Nord, il n'y a quasiment aucun personnage féminin, tout est axé sur le duel entre les deux protagonistes, même si n°1 est humanisé ( de par les rapports filiaux qu'il essaie de nouer, à tort d'ailleurs puisqu'il le doublera, avec le jeune Cigaret ; tandis que Shack est une pure représentation du Diable, éructant, boiteux, dangereux et menaçant, et surtout sans pitié.
Il y a dans cette aprêté du déni de civilisation et de l'acceptation de la sauvagerie une analyse prémonitoire et novatrice pour l'époque. (même si elle n'est pas nouvelle chez Aldrich, revoyons Attack! pour s'en convaincre). D'un point de vue formel et visuel, le rythme du film est à l'image du train sur lequel toute l'action se déroule (quasiment tout le film est en mouvement sur la locomotive) ce qui entraîne à la fois une décuplation du suspense et un aspect fataliste (Shack se remet tout le temps de ses impairs et de ses blessures) savamment orchestré...
L'empereur du Nord de Robert Aldrich - Emperor of the North Pole - disponible en dvd zone 1 et zone 2
A noter que Lee Marvin fait la voix-off de la bande-annonce.
merci à Sebastien Miguel