Revenu à la fête avec la dernière vague de films de zombies et en ce moment avec La Route de John Hillcoat (nous montrant une civilisation occidentale en décrépitude en raison d'un changement profond qui provoque la chute de celle-ci) le genre post-apocalyptique a connu ses heures de gloire dans les années soixante dix, alors une période de contestation en contrepoint cynique du flower power des années soixante...
Revenant souvent à une barbarie crue, où l'homme est un loup pour l'homme pour sa propre survie, après une attaque nucléaire, (A man and his dog, Mad Max) une guerre sans nom (L'Armée des douzes singes) ou un autre phénomène naturel ou épidémiologique souvent inexpliqué (La nuit des morts-vivants, 28 jours plus tard), le film "post-apo" nous tend le miroir vers nous mêmes, sur une société malade. L'exemple le plus politique (et sans doute le plus réussi) est incontestablement la trilogie de George A. Romero (Night of the Living Dead, Zombi, Day of the Dead), dont l'opus central, Zombi, tourne autour d'un groupe de survivants bataillant dans un centre commercial (moins politique, le remake tout récent de Zach Snyder en reste néanmoins un époustouflant commentaire social sur les travers de notre société de consommation).
Night Of The Living Dead de George A. Romero
Le genre prend forme avec la guerre froide, en utilisant des romans d'anticipation pour base, Richard Matheson en tête dans son terrifiant "I AM LEGEND", moultes fois pillé et adapté, sur un scientifique seul au monde faisant face à une armée de vampires chaque nuit, du "Dernier Homme sur la Terre" avec Vincent Price, production americano-italienne fauchée mais au suspense redoutable, au "Omega Man" avec Charlton Heston, relecture plus centré sur l'action et la romance, (scoop : le dernier homme sur terre n'est en fait pas tout seul). Plus récemment, l'adaption avec Will Smith souffrait d'une narration pauvre et d'effets spéciaux de seconde zone.
Le propos s'est considérablement modifié depuis quelques années dans ce genre de film, laissant la place à un message plus écologique que véritablement politique (Phénomènes, de M. Night Shyamalan, en tête, où la flore se rebelle en poussant au suicide la population par l'absorption de phéromones). Mad Max, et surtout sa suite The Road Warrior avec son incroyable prologue sur la fin de notre monde suite à la guerre nucléaire, est sans doute le précurseur du post-apo écolo, même si sa violence sauvage en fait encore aujourd'hui un film d'exploitation pour le grand public, qui n'a pas su y déceler d'autres caractéristiques (son approche du sacrifice, de la vengeance et de la place dans la société en fait presque un film d'avant-garde pour son époque). Ce sous-genre sera exploité jusqu'à la moëlle par un cinéma italien en manque d'argent et désireux de surfer sur des films anglo-saxons qui cartonnent au box-office, mais avec parfois, au delà de l'aspect mercantile, quelques perles noires issues de cette manne à fric presque aussi rutilantes que les originaux : dans le film de genre post-apocalyptique, citons surtout l'étonnant 2019 après la chute de New-York, de Sergio Martino, qui emprunte autant à Mad Max qu'à Rollerball ou au fantastique post-apo de prison de John Carpenter, New York 1997...
Terminons ce chapitre avec le magnifique La Route, adapté du prix Pulitzer de Cormac McCarthy, qui est lui beaucoup plus recentré sur la relation qu'un fils partage avec son père dans un monde en ruine, en proie à la faim et donc à des bandes de chasseurs cannibales, luttant pour trouver un havre de paix toujours plus au Sud d'une Amérique fantomatique et dévastée sans jamais en expliquer les causes. Le film, sans être manichéen, réveille chez le spectateur ce qu'il y a de pire en nous (tuer, abandonner ou laisser mourir les étrangers et devenir paranoïaque sur chaque être que l'on croise) comme ce qu'il y a de meilleur (le partage, le sacrifice encore, la notion de famille, éblouissante dans le film) notamment grâce au rôle du fils de l'excellent Viggo Mortensen, le vrai "gentil" de l'Histoire, profondément bon et humain. En cette période de partage et de charité, ne cherchez plus le film le plus bouleversant de Nöel, c'est celui-ci...